Une tradition devenue une légende
Bien que le fait soit douteux, Le Journal de Charles VI, la Vie de ce prince, par Jean Juvénal des Ursins, sont muets à cet égard, une tradition orale s’enracina si bien qu’elle devint une légende sacrée.
Selon certains historiens, cela se passa le 3 juillet 1418: ce jour-là un soldat, du nom de Suisse, ou Suisse d'origine, sortant d'un cabaret où il avait laissé son argent au jeu et aussi un peu sa raison au fond du verre, s'en prit à une statue de la Vierge qui était au coin de la rue aux oies (aux Ours), et la frappa de plusieurs coups de couteau, ce qui fit jaillir le sang.
Le coupable fut immédiatement arrêté et on le brûla, à l'endroit même où le sacrilège avait été commis, après l'avoir lardé de coups de couteau et lui avoir percé la langue avec un fer rougi au feu.
Puis la statue fut transportée dans l'église Saint-Martin-des-Champs, où on la vénéra sous le nom de Notre-Dame-de-la-Carole. Toutes ces circonstances furent en outre représentées dans un tableau qui existait dans la chapelle de la Vierge, derrière le choeur de cette église.
Toutefois, ce qui est certain, c'est qu'autrefois on tirait tous les ans, le 3 juillet, dans la rue aux Orles ou aux Ours, un feu d'artifice en commémoration de cet événement, et le même soir, au milieu d'un grand concours de population, on brûlait un géant d'osier, habillé en soldat suisse. C'était le roi de la confrérie de la Vierge de la rue aux Ours qui allumait le bûcher. Le gouvernement suisse réclama contre cet usage, d'autant plus injurieux pour cette nation qu'en 1418 les Suisses ne servaient pas encore dans l'armée française, et que rien ne prouvait même que le prétendu sacrilège eût jamais été commis
Louis XV fit droit à ces justes plaintes, mais il ne parvint pas à supprimer la cérémonie, du mannequin, à laquelle les Parisiens tenaient singulièrement. Mais les fables qu’aimaient semer les amateurs de merveilleux durant le Moyen Âge avaient la peau dure !
L'auteur du Tableau de Paris raconte: « On ôta l'habit suisse, qu'on remplaça par une mauvaise souquenille. Ne dirait-on pas qu'on ajoute foi à ce miracle d'après ce bûcher qui se renouvelle chaque année ? Tout le monde rit en voyant passer ce colosse d'osier qu'un homme porte sur ses épaules et auquel il fait faire des révérences et des courbettes devant toutes les Vierges de plâtre qu'il rencontre. Le tambour l'annonce, et dès qu'on met le nez à la fenêtre ce colosse se trouve de niveau avec l'oeil des curieux. Il a de grandes manchettes, une longue perruque à bourse, un long poignard de bois teint en rouge dans sa dextre, et les soubresauts qu'on imprime au mannequin sont tout à fait plaisants, si l'on considère que c'est un sacrilège qu'on fait danser ainsi. »