Victime de ses célèbres gasconnades, ces mêmes contemporains se montrèrent sévères à son égard.Tenu à l’écart sous la Restauration, cinq fois candidat à des chaires diverses, il fut systématiquement repoussé. Rappelé par Charles X, à force d’obstination, il finit par se glisser à l’Institut, mais plus de vingt-cinq ans après sa première candidature. Il signa de nombreux mémoires, recueils, etc., abordant différents domaines médicaux.
A Sainte-Hélène, Napoléon, claquemuré à Longwood et refaisant défiler son épopée, malgré ses remontrances, le qualifia : « de plus vertueux des hommes que j'aie rencontré. Il a laissé dans mon esprit l'idée d'un véritable homme de bien.»
S’il existe une disproportion entre l’homme et sa réputation, aux portes de l’Histoire son rôle n’en fut pas moins précieux. Ignorant la couleur du drapeau ou le grade du blessé sur lequel il se penchait, seule comptait l’urgence de l’intervention. Sans doute que l’ennemi, se rappelant les soins qu’il apportait sans distinction à tous les soldats, eût aimé l’avoir de son côté. Et ce fut bien à ses qualités que Wellington, principal vainqueur de l’Empereur à Waterloo, aurait rendu hommage.
Membre du Conseil de santé des armées, en 1842, sur ordre de Louis-Philippe, en compagnie de son fils, Hyppolite, il partit inspecter les hôpitaux en Algérie où son âge et sa fatigue eurent raison de sa robuste constitution. En regagnant la France, une mauvaise fluxion de poitrine ayant aggravé sa santé, il mourut dans l’hôtel où il était descendu. Transporté à l’hôpital militaire de Lyon, des médecins procédèrent à l’autopsie et à l’embaumement. Son cœur fut déposé au Val-de-Grâce en 1854, et ses entrailles suivirent le même chemin en 1945.
Après les honneurs militaires rendus à Lyon, sa dépouille fut transportée à Paris et déposée en l’église Saint-Germain-l’Auxerrois, sa paroisse, en attendant le lieu de sa sépulture. Par testament, il souhaitait reposer « dans un petit coin du jardin de l’infirmerie des Invalides » où il avait déployé une activité considérable, et dont il avait fait une école réputée de chirurgie de guerre. Malheureusement, le ministre de la Guerre, à qui revenait cette autorisation, n’était autre que le maréchal Soult auquel le défunt s’était souvent opposé, notamment lors de l’affaire des mutilés où Larrey avait soutenu les soldats se mutilant pour fuir les combats.
La Ville de Paris se montra plus généreuse en lui offrant gratuitement une concession à perpétuité au cimetière du Père-Lachaise où il fut inhumé, le 12 août 1842, en présence des vétérans de la Grande Armée et des grognards survivants de la Garde.
Sa tombe en forme de pyramide, devenue depuis simple cénotaphe, ne porte aucun ornement particulier. Seule une inscription toute spartiate rappelle sa présence jusqu’en 1992.
A Larrey
L’homme le plus vertueux que j’aie connu.
Testament de Napoléon
Concession à perpétuité de la Ville de Paris.
Hyppolite Larrey
Digne de son père
(1808-1895)
Pendant un temps, par une fente, on pouvait y apercevoir son buste et celui de son fils, Hyppolite qui y fut également inhumé.
Entretenue jusqu’en 1931 par la Ville de Paris, le monument sombrait dans l’oubli comme son occupant quand, en 1992, à l’occasion du 150ème anniversaire de sa mort, on s’avisa d’apporter réparation à l’illustre Larrey en transférant ses cendres à Saint-Louis-des-Invalides, non pas dans le jardin de l’infirmerie, mais dans le caveau des Gouverneurs. Celui que les soldats surnommaient leur « Providence » ne pouvait rêver plus grand honneur, non loin de son Empereur.
Son nom figure sur l’arc de Triomphe.