Y furent inhumés, entre autres...
 
Le fondateur Jean de Dormans et son frère Guillaume, ayant élu leurs sépultures au couvent des Chartreux, ne reposaient pas là. Ne pas les confondre avec la génération suivante, les enfants de Guillaume, dont deux des membres portèrent le même prénom.
 
Outre les tombes parfaitement identifiées, il existait deux groupes de trois statues rappelant la présence de cinq membres de la famille et la mémoire d’un sixième.
-L’un était décoré de trois statues d’hommes en pierre représentant Jean de Dormans, Renaud de Dormans, inhumés dans la chapelle, et Bernard de Dormans, chambellan de Charles V, inhumé à sa demande au cimetière des Innocents parmi les pauvres.
-Le second groupe était orné de trois statues de femmes en pierre représentant Jeanne Baube, femme de Guillaume de Dormans  frère du fondateur, et mère de ses enfants,  et deux de ses filles : Yde et Jeanne, toutes trois furent inhumées dans le collège.
En 1793, cinq des six statues furent déposées au Musée des Monuments français : deux  furent détruites ou utilisées par Alexandre Lenoir pour diverses restitutions inconnues. Mais l’une des trois féminines dernières servit pour représenter le corps d’Héloïse au cimetière du Père-Lachaise.
 
En 1795, l’installation d’une chaudière à salpêtre mit à jour un cercueil de plomb brisé qu’ils déposèrent au comité civil. Usure due au temps ou profanation ?  
En 1830, lors de travaux de terrassement, on découvrit un cercueil de plomb au pied de l’autel Il s’agissait de celui Miles ou Guillaume  de Dormans au squelette bien conservé et portant une croix en or sur la poitrine. Il fut porté dans un cimetière sans qu’il soit précisé lequel.
En 1843,  nouvelle découverte de quatre cercueils de plomb contenant des débris de squelettes qui furent portés au cimetière du Montparnasse.
 

►AULNAY Jean d’ († 1489)
Dit le Galois, seigneur de d’Orville et de Goussainville, conseiller et chambellan du roi. Avec lui reposaient sa femme, Jacqueline de Paillard, et sa belle-sœur,  Marie de Paillard, filles de Jeanne de Dormans.
 
►BAUBE Jeanne († 1405)
Dame de Dormans et de Silly, veuve de Guillaume de Dormans, frère du fondateur, elle soutint l’œuvre familiale où elle souhaita reposer.
Plan Turgot  par Bretez (1739)
Au 12ème siècle, parallèlement à l’émergence de l’université, se créèrent des collèges qui, en se multipliant jusqu’aux deux premières décennies du 15ème siècle, participèrent à l’âge d’or de l’université médiévale.
Créés par une Fondation, donation d’un homme riche, prélat ou personnalité royale, ils avaient vocation d’héberger et d’entretenir, avec l’octroi de bourses, les « pauvres étudiants ». Toutes prévoyaient l’achat ou la construction de bâtiments, dont une chapelle, et fixaient leurs conditions d’admission (critères sociaux ou origine géographique).
Répartis en deux types : les collèges réguliers -réservés aux clercs de différents ordres mendiants venus se diplômer en théologie à l’université de Paris-, et les collèges séculiers, ouverts aux clercs et aux laïcs, progressivement, le collège devint un lieu d’enseignement pour les arts libéraux - l’université se limitant aux facultés supérieures (théologie, droit, médecine)- ainsi qu’un lieu foisonnant de vie intellectuelle faisant de l’ombre à l’université.
Installés sur la rive gauche et, pour beaucoup, accrochés à la Montagne Sainte-Geneviève, 28 d’entre eux furent rattachés, en 1763, au collège Louis le Grand consacré chef-lieu de l'université de Paris.
Bien que passionnante, laissons là l’histoire de l’université et des collèges de Paris en rappelant juste qu’à l’origine, la Sorbonne, fondée par Robert de Sorbon, n’était pas une université mais un collège.  
 
Certains accueillirent des sépultures au sein de leur chapelle à commencer, le plus souvent, par celles des fondateurs et/ou leur famille, ce qui fut le cas du collège de Beauvais, dit aussi de Dormans du nom de son fondateur.
En 1324, sur son futur emplacement, dans le Clos-Bruneau, on trouvait déjà  un collège occupé par les boursiers du collège de Laon avant qu’ils ne fussent transférés (1340) un peu plus loin à l’hôtel du Lion d’Or.
 
En 1365, le cardinal Jean de Dormans, évêque de Beauvais et chancelier de France acheta les locaux auxquels il ajouta ceux d’une maison voisine dans lesquels il installa, en 1370, un collège destiné à 12, puis à 24 écoliers originaires du diocèse de Soissons, et, par préférence, celui de Dormans. Jean avait prévu son frère Guillaume pour lui succéder. Mais tous deux étant morts à quatre mois d’intervalle en 1373, ce fut au tour de Miles de Dormans, fils de Guillaume et neveu de Jean, de reprendre en charge la destinée du collège.  
Lui-même évêque d’Angers, puis de Bayeux et de Beauvais et chancelier de France, Miles fit construire une chapelle que l’on plaça sous le patronage de saint Jean-l’Evangéliste. Charles V, en souvenir de son fidèle chancelier, en posa la première pierre en 1374. Sa construction, confiée à l’architecte du Louvre, Raymond du Temple, se termina en 1382, année de son ouverture au culte.
Favorable à cette fondation, le pape Clément VII accorda des indulgences à tous ceux qui viendraient y prier.
Le sculpteur Jean de Liège (1382) y travailla. A Miles, succéda son frère Guillaume qui géra le collège jusqu’à sa mort (1405). En quarante ans, quatre Dormans avaient donc tenu l’établissement en mains avant que son administration ne soit dévolue au parlement qui s’occupa toujours avec zèle de ses intérêts.
Cour intérieure du collège de Beauvais
Façade du collège de Beauvais
Ses bâtiments s’alignaient en bordure de l’actuelle rue Jean-de-Beauvais et touchaient ceux du collège de Presles, rue des Carmes, qui accueillait lui aussi des écoliers soissonnais. A la fin du 16ème siècle, les discordes religieuses et les guerres de religions exerçant une fâcheuse influence sur les maisons d’enseignement, pour en atténuer les effets, les deux collèges décidèrent de s’unir pour l’exercice des classes et, pour cela, abattirent le mur qui les séparait.
Plan restitué par M. Hochereau d'après Verniqet, Jaillot et l'Administration militaire au 19ème siècle
Si les deux collèges étaient sensibles au protestantisme, celui de Beauvais, dont le principal Jean Grangier (1576-1644) avait su gagner la confiance d’une clientèle hostile aux Jésuites, faite de robins et de parlementaires, devint ostensiblement janséniste et le resta en dépit des poursuites. Le mur détruit en 1597 ne fut reconstruit qu’un siècle plus tard (1699).
 
Après avoir revu des jours florissants sous des maîtres distingués, tels Charles Rollin  et Charles Coffin, le collège de Beauvais disparut définitivement lorsqu’il fut réuni, avec le collège de Presles, au collège Louis le Grand (1764) qui deviendra le prestigieux lycée Louis le Grand.
 
Parmi les personnalités  illustres  qui le fréquentèrent, on citera : Saint François-Xavier y enseigna la philosophie, Charles Rollin en fut principal, etc.
Parmi les élèves  : Savinien Cyrano de Bergerac qui y composa le Pédant joué inspiré par Grangier,  principal du collège ;  Boileau y suivit les classes de troisième à la rhétorique ; Claude d’Espence ; Olivier Patru ; les fils Perrault (Pierre, Claude et Charles),  Racine ; Antoine Le Maistre qui se retira en solitaire à Port-Royal, son jeune frère Isaac Le Maistre de Sacy.
 
Occupés par le collège de Lisieux, qui venait d’être exproprié de l’actuelle place du Panthéon, les locaux servirent de lieu de réunion du comité de section du Panthéon à la Révolution. Par la suite, ils furent successivement : mairie (1795-1881), utilisés pour des besoins militaires sous l’Empire, hôpital, magasin militaire, caserne sous la Restauration et Louis-Philippe.
Quant à la sacristie et la chapelle, elles furent respectivement affectées à une école de musique populaire et aux premiers essais de « l’enseignement mutuel ».
 
Avec les siècles, les bâtiments du collège formaient deux ailes presque parallèles en bordure des rues Saint-Jean-de-Beauvais et des Carmes.   Détruits en 1861 avec les travaux d’Haussmann, la chapelle aurait dû être vouée au même sort si les Dominicains, en quête d’asile, n’avaient acheté (1865), une partie du terrain sur laquelle ils édifièrent quelques bâtiments tout en restaurant la chapelle qui présentait une physionomie lamentable.
Vue arrière (rue des Carmes) de l’ancien collège de Beauvais reconstruit par les Dominicains au 19ème siècle.
De nos jours : les bâtiments conservés parfaitement reconnaissables © MCP
Mais après leur expulsion de France (1880), excepté la chapelle, conservée grâce à l’intervention de l’archéologue Jules Quicherat (1814-1882) et dorénavant encastrée dans des immeubles modernes, tout fut rasé.
Achetée par la Roumanie (1885), elle fut aménagée pour les offices du culte orthodoxe roumain qui y sont célébrés depuis 1892.
© MCP
© MCP
Du sanctuaire richement décoré et l’un des plus gracieux de Paris, il subsiste  la voûte en bois apparent qui s’élève à 20 mètres de haut. Les cinq vitraux qui ornent l’hémicycle datent de l’époque des Dominicains.
© MCP
Des vitraux d’origine, le musée Carnavalet conserve une tête de saint Philippe de 1378, l’un des chefs-d’œuvre du collège, signée Baudouin de Soissons qui, dans le domaine des arts de la couleur fait écho à la reconstruction intense qui touchait Paris à l’époque .
© http://www.carnavalet.paris.fr/
►COFFIN Charles (1676 – 1749)
Appelé à enseigner dans le collège, dont il prit par la suite la direction, l'université de Paris le choisit comme recteur. Son rectorat fut notamment marqué par l'homogénéisation des traitements des professeurs et l'établissement de l'instruction gratuite dans tous les collèges de Paris, que le cardinal de Richelieu avait appelé de ses vœux quelques décennies auparavant. Il encouragea également l'usage de la langue française en lieu et place du latin.
Ecrivain, il signa, entre autres, des poésies dont des odes pour la liturgie catholique ou pour le vin de champagne qui firent sa réputation.
Mais au moment de sa mort,  pour ne pas avoir renié ses convictions au moment de son trépas, ce pilier du jansénisme dans l’université de Paris se vit refuser les derniers sacrements par le curé de Saint-Etienne-du-Mont qui, néanmoins, n’osa pas s’opposer à une sépulture chrétienne. En présence d’une foule immense, il fut inhumé dans la chapelle du collège où sa tombe s’ornait d’une longue épitaphe en latin.
 
►DORMANS Jean de († 1380)
Chanoine de Paris et de Chartres, chancelier de l'église de Beauvais, il mourut à Sens à l’âge de vingt ans environ. Sa dépouille fut amenée au collège pour reposer parmi les siens.
Représenté dans le groupe des trois statues masculines, son effigie présumée est conservée au musée du Louvre au côté de celle de son frère Renaud.  
Statue de droite © MCP
►DORMANS Jeanne († en, ou après 1407)
Elle était veuve de Philibert de Paillard, chevalier, conseiller du roi, et président du parlement.
 
►DORMANS Guillaume de († 1405)
Evêque de Meaux, puis archevêque de Sens, entre temps premier président de la Cour des aides de Paris il fut, selon ses dernières volontés,  inhumé avec son frère Miles au milieu du chœur dans un tombeau commun en marbre noir avec leurs effigies en cuivre. Leur sépulture disparut à la Révolution.
►DORMANS Miles ou Milon de († 1387)
Le plus en vue de la fratrie des Dormans, docteur en droit civil et canonique, évêque d’Angers puis, de Bayeux et enfin de Beauvais, il fut également nommé chancelier du duc Louis Ier d'Anjou, premier Président-Clerc de la Chambre des comptes de Paris, puis Chancelier de France.  Il prit en mains la direction du collège, dont il fit construire la chapelle, après les morts successives de son oncle et de son père. Selon ses dernières volontés, il fut inhumé au milieu du chœur dans un tombeau commun en marbre noir ,avec son effigie en cuivre, où le rejoignit son frère Guillaume. Cette tombe commune disparut à la Révolution.
Tombeau de Miles et Guillaume de Dormans d’après Gaignières
Tombeau de Guillaume et Miles de Dormans d’après Gaignières
►DORMANS Renaud de († 1386)
Archidiacre de Châlons-sur-Marne, chanoine de Paris, Chartres et Soissons, il fut inhumé dans la chapelle du collège. Représenté dans le groupe des trois statues masculines, son effigie présumée est conservée au musée du Louvre au côté de celle de son frère Jean.
Statue de gauche © MCP
1er mars 2018
► NOTIN Jean (?- ?)
Procureur du collège, ses donations permirent de financer un chapelain et deux boursiers mais qui devaient être de Compiègne (1501).
 
►SOILLY Clément de († 1401)
Prêtre et chanoine de Soissons, il fut chapelain et exécuteur testamentaire du cardinal Jean de Dormans qu’il servit pendant au moins  vingt-cinq, longévité qui s’inscrit parmi les plus longues dans cette fonction.
 
►VITTEMENT Jean (1655 – 1731)
Théologien, professeur  énergique de philosophie, recteur de l'académie de Paris (1698),  sous-précepteur des ducs de Bourgogne, de Berry, puis du jeune Louis XV avant d’être prié de quitter la cour par le cardinal de Fleury (1723). Il fut aussi coadjuteur puis principal du collège.
Après avoir prononcé ses vœux, il s’embarqua dans une vie de solitude qui força l’admiration de la cour.  Connu pour son désintéressement et sa modestie, Louis XIV et Louis XV ne purent jamais lui faire accepter un seul bénéfice, allant même jusqu’à refuser une place à l’Académie française.  A un âge avancé, et malgré ses infimités, il souhaita revoir son village natal de Dormans où il mourut. Par testament, cet ancien élève boursier et chapelain du collège lui légua une somme conséquente et demanda à y être enseveli.  
 




Sources principales :
-Epitaphier du vieux Paris –Tome I
-Dictionnaire des rue de Paris par Jacques Hillaret -Tome I –Ed. de Minuit (1963)
-Dictionnaire historique de la Ville de Paris et de ses environs, Volume 2 Par Pierre-Thomas-Nicolas Hurtaut (1779)
-Le collège de Dormans-Beauvais et la chapelle Saint Jean-l'Evangeliste par Marie Dominique Chapotin (1870)
(*) commentaire(s)
COLLÈGE DE BEAUVAIS OU DE DORMANS (Paris)  (Disparu sauf la chapelle)
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