Prenant son rôle très à cœur, Louis XV lui voua un profond attachement et, en 1726, après la disgrâce du duc de Bourbon, premier ministre en place, il le nomma son précepteur premier ministre en titre. Son rival exilé, Fleury, maître du pouvoir, fut nommé cardinal. Néanmoins, se refusant à suivre l’exemple de Richelieu et de Mazarin, s’il accepta bien volontiers son chapeau de cardinal (1726), il refusa le titre de premier ministre. Le pouvoir sans ses attributs...
Il venait d’avoir soixante-treize ans. Sous une apparence d’homme solide, affable, voire débonnaire, se cachait un caractère tenace et autoritaire. Entendant bien maintenir l’absolutisme royal, l’équilibre des finances, la paix aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur, il s’entoura d’une équipe compétente qui sut rapidement stabiliser la monnaie, ce qui participa à la prospérité économique et à l’essor du grand commerce maritime, favorisé encore par la création du Bureau du commerce composé de représentants des grandes villes marchandes. En 1738-1739, l’équilibre du budget était atteint.
Toutefois, contrecarré par l’opposition du Parlement en bonne partie acquis au jansénisme, il ne put mener à bien la réforme fiscale et, dans les périodes de difficultés, fut contraint de créer des impôts.
Sans oser aller jusqu’à une réforme complète de la justice, en 1732, il exila à Pontoise, cent trente-neuf conseillers et fit fermer le cimetière de Saint-Médard, où les jansénistes prétendent que des guérisons miraculeuses se produisent sur la tombe du diacre Pâris.
À l’extérieur, il mena la guerre de Succession de Pologne qui, par chance des opérations plus que par ses compétences, assura à la France la Lorraine à la mort de Stanislas Leszczynski. Lui qui recherchait la paix, en 1740, à son corps défendant, il se trouva engagé dans la guerre de Succession d’Autriche avec laquelle il entama des négociations aussi maladroites qu’inutiles. Ce fut dès lors une série de revers commis surtout par la singulière prétention de ce ministre pacifique de vouloir diriger des opérations militaires. Il ne vit pas la fin de cette guerre.
« Son Éternité », comme on le surnommait, mourut au milieu de tous ces désastres, laissant les affaires de la guerre, de la marine, de la finance et de la politique dans une crise qui altéra la gloire de son ministère.
Protecteur des sciences et des lettres, et bien que membre de l’Académie française (1717), de celles des sciences (1721), des inscriptions et belles-lettres (1723), il ne laissa aucun ouvrage connu.
Se distinguant par la modération de son train de vie et sa probité, dépensant ses revenus commanditaires en aumônes, le cardinal se contentait de ses appointements et n'avait pas de fortune. Ce qu’il laissa n’aurait pas suffi à la dépense du mausolée que Louis XV lui fit élever.
Pour la toute nouvelle église Saint-Louis-du-Louvre, à peine sortie de terre en remplacement de Saint-Thomas-du-Louvre et de Saint-Nicolas-du-Louvre, ce fut un honneur d’accueillir la dépouille du cardinal dans une chapelle qui lui avait été offerte et où fut érigé son tombeau.
Dès le 9 février 1743, Philibert Orry, directeur général des Bâtiments du roi, passa commande du tombeau du cardinal à Bouchardon. Celui-ci présenta un premier projet inspiré du mausolée de Mazarin, par Coysevox, qu’il modifia sur instruction de Louis XV. Son second projet, cette fois inspiré du mausolée de Richelieu, par Girardon, ne fut pas davantage retenu. La maquette du premier projet et un fragment du second sont conservés au Musée du Louvre.