Le vieux pays de Maramures en Roumanie se tapit au nord-ouest de la Roumanie. Il réserve à ses visiteurs un bijou, un lieu étonnant qu’aucun vampire, de la proche Transylvanie, attaché à sa réputation, ne saurait fréquenter : le cimetière joyeux.
Très différent des autres cimetières roumains, on l’associe à la culture des Daces dont la philosophie se basait sur l'immortalité considérant la mort comme un moment de joie car le défunt arrivait dans une vie meilleure.
Le surnom de « cimetière joyeux » lui aurait été donné par un visiteur français.
Tout commença en 1934 quand un artiste local, le poète Stan Loan Patraș, demanda que sa future sépulture soit décorée avec du bois de chêne et peint dans des couleurs vives. Jusqu’à sa mort en 1977, renonçant aux simples portraits, il sculpta et repeignit les croix en bleu, symbole d'espoir et de liberté. Il décora les tombes, mettant en scène la vie des personnes en s’inspirant de l'activité qui avait donné un sens à leur vie : garder des troupeaux, cuisiner, prier, boire avec des amis... Il arrive aussi que l'illustration représente la façon dont la personne mourut.
Sur les stèles, une épitaphe, commandée par le futur résident, écrite à la première personne, et souvent humoristique, vient compléter cette débauche de couleurs. Enregistrées par le diacre du village, elles pouvaient être mise à jour, en fonction de la volonté du futur client : « Ce que j'aimais le plus, c'était cuisiner la soupe de dinde », « J'aimais beaucoup boire, peut-être même trop » sont autant de messages post-mortem plein de vie. Et qu’importe de ne pas comprendre le roumain : les illustrations sont suffisamment loquaces.
Au fil du temps, des artistes ont apporté de nouveaux motifs, de nouvelles palettes de couleurs. Ces décorations reflètent les transformations qui ont eu lieu dans le Maramures. Il y a des croix mortuaires pour les personnes décédées pendant la guerre ou dans les prisons politiques de l'ère communiste. Aujourd'hui, de nouveaux sujets sont abordés, comme la migration des habitants vers l'Europe de l'Ouest. L'une des croix commémore la vie d'un jeune homme mort dans le métro parisien en 2007.
Patras avait tellement de tombes à décorer qu'il s’adjoignit de l’aide. Après sa mort, ses élèves reprirent le flambeau en perpétuant la tradition.
La réputation de ce cimetière ayant depuis longtemps dépassé les Maramures, il fut classé en 1998 au premier rang en Europe et au deuxième niveau mondial, après la "Vallée des Rois" en Egypte. Depuis 2004, il est inscrit au Patrimoine de l'UNESCO.
Le poète avait voulu faire de la mort quelque chose de plus facile à aborder, en montrant la part de bonheur qu'il y avait eu dans la vie des gens. Il est allé bien au-delà de cela. Véritable musée ethnographique, son art naïf témoigne du voyage suprême en marquant la présence des morts et leur souvenir parmi les vivants.