Elle se fit toujours remarquer par la pénétration de son esprit et la rectitude de son jugement, autant que par l’élévation de son caractère. Elle, était d’une beauté pleine d’éclat, dont la gravité mélancolique et la dignité sévère rappelaient à l’esprit le type idéal de la matrone romaine.
Veuve en 1785, la famille vécut alors dans la gêne. La Révolution aggrava sa situation. En 1793, les partisans de Pascal Paoli ayant brûlé sa maison, elle s’enfuit d’Ajaccio avec ses enfants pour se réfugier à Toulon puis à Marseille. De cette époque, elle conserva un goût certain pour l'austérité et l'économie. Mère dure qui avait une vision très pragmatique de la vie, il lui fallait caser ses rejetons. Ce fut Joseph, son aîné, avec la fille d’un riche négociant et Elisa avec un médiocre officier corse. Et Pauline qui fréquentait le peu recommandable Stanislas Fréron tandis Napoléon s’emmourachait puis épousait à Paris cette extravagante veuve Beauharnais sans solliciter son avis !
Après Brumaire, Letizia s’installa à Paris chez son demi-frère, le cardinal Joseph Fesch et assista avec inquiétude l’ascension de Napoléon jusqu’à son sacre, qu’elle désapprouvait, et où elle n’était pas présente bien que David l’ait représentée sur son fameux tableau.
Devenue « Madame Mère », pourvue du château de Pont-sur-Seine et pourvue d’une rente viagère très conséquente, Letizia gérait sa fortune avec parcimonie. Elle demeurait à l'Hôtel de Brienne lors de ses rares visites à Paris
Très religieuse, après la chute de Napoléon, installée à Rome, elle se mit sous la protection du pape où sous l’influence d’une voyante autrichienne, elle sombra dans le mysticisme au point de croire que l’évasion de Napoléon de l'île d'Elbe relevait de l’intervention divine.
Durant les Cents-Jours, elle fit le voyage jusqu’à Paris pour voir une dernière fois son fils. Revenue à Rome, en vain elle demanda de le rejoindre dans son exil du bout du monde à Sainte-Hélène.
Quels sentiments traversèrent le cœur de cette mère témoin du sort de ses enfants à la chute de l’Empire et lorsqu’elle apprit à Rome la mort de l’Empereur, avant tout son fils, disparu dans le plus total isolement ? L’épopée napoléonienne était bien finie et le fameux "Pourvou qué ça doure" n’avait pas trouvé d’écho.
Elle mourut largement octogénaire d’une fièvre gastrite, infirme et aveugle. Elle emportait dans sa tombe la déchirante pensée que la France était à jamais fermée à tous les siens, et exprima le désir qu’ils n’y rentrassent jamais qu’appelés par la volonté nationale.
Letizia Bonaparte fut inhumée dans le couvent des sœurs de l’ordre de la Sainte-Croix et de la Passion de Corneto (actuelle Tarquinia depuis 1922). Après une nouvelle tombe en la cathédrale d’Ajaccio en 1859, elle fut transférée le 11 septembre 1860, sur ordre de son petit-fils Napoléon III en la chapelle impériale.