Mariée à Charles VI, le monarque « fol », avant la révélation de la folie du roi en 1392, leurs sept premières années de mariage avaient été heureuses. Douze enfants naquirent de leur union, dont cinq entre 1386 et 1392. Mais, à la longue, les crises de folie du roi émoussèrent les sentiments d’Isabeau qui dut prendre en charge l’éducation de ses enfants, assurer sa fortune et s’impliquer de plus en plus dans la vie politique.
Pour palier aux faiblesses mentales de Charles VI, son frère cadet, Louis d’Orléans, fut désigné régent éventuel, charge que revendiquait aussi, Philippe le Hardi, duc de Bourgogne et oncle du roi. Les tensions entre les deux hommes étaient à leur comble quand, en 1402, Charles VI confia les pleins pouvoirs à Isabeau pour régler les différends entre les deux hommes, charge dont elle était loin d’être à la hauteur.
La mort de Philippe le Hardi (1404), mit à la tête de la Bourgogne son fils, Jean sans Peur qui fit assassiner Louis d’Orléans (1407) ce qui déclencha la guerre civile entre Armagnacs et Bourguignons. Au début, proche des Armagnacs, Isabeau, ballottée entre les deux partis, resta des années sans prise réelle sur les évènements.
En 1416, contrainte de s’exiler par les Armagnacs pour échapper à un complot fomenter par Jean sans Peur, elle finit par s’allier à ce dernier et organisa à Troyes un gouvernement étroitement contrôlé par les Bourguignons.
En 1417, Jean de Touraine mourait laissant la couronne à son cadet, Charles, favorable aux Armagnacs
En 1419, lors d’une entrevue à Montereau avec le dauphin, qu’il tentait de se concilier, Jean sans Peur fut assassiné par les Armagnacs qui craignaient un rapprochement entre les deux hommes. Pour venger son père, son héritier, Philippe le Bon,s’allia aux Anglais.
Ainsi en arriva-t-on à l’infâme traité de Troyes du 21 mai 1420. Philippe le Bon et Henry V d'Angleterre, auxquels Isabeau n’eut pas le courage de s’opposer, se mirent d’accord sur le dos de Charles. Isabeau, laissant accréditer la thèse de l’illégitimité de Charles l’évinçait du trône au profit d’Henry V déclaré régent du royaume de France à condition d’épouser Catherine de France, fille d’Isabeau et de Charles VI, ce qu’il fit. Isabeau voyait sans doute déjà sa fille occuper deux trônes.
Elle venait de vendre la France à l’Angleterre. Ce qu’elle ne pardonna jamais et qui fut, entre autres, l’origine de sa haine indéfectible pour son fils Charles fut son exil durant lequel les Armagnacs lui avaient aussi pris tout son or, ses bijoux, etc. Alors, elle voua aux Gémonies tout partisan de celui qu’elle appelait le « fils du fol » tout en se repaissant de sa rancune. Charles n’était plus son fils mais un empêcheur de tourner en rond, un adversaire objet de toute sa rage. Et quelle rage au ventre fallait-il pour signer le traité de Troyes où Charles, déshérité, était condamné à douter de sa légitimité.
1422 voyait les morts d’Henry V puis de Charles VI.
De nouveau écartée du pouvoir au profit des ducs de Bedford et de Gloucester, frères d’Henry V, qui assuraient la tutelle de son jeune héritier Henry VI, et petit-fils d’Isabeau, elle se retira en son hôtel Saint-Pol. Accrochée à sa haine contre Charles, elle soutint les prétentions d’Henry VI contre lui. Malgré elle, Charles fut couronné roi de France en 1429.
Isabeau n’était plus qu’une grosse femme négligée de tous. Fini les fêtes et les grandes chasses que ses revenus ne lui permettaient plus de s’offrir. Elle était seule dans son hôtel, vidé de tous les plaisirs du passé quand, en 1431, passa sous ses fenêtres le cortège d'Henry VI qui venait de se faire sacrer roi de France à Notre-Dame. On la traîna pour le regarder et s’incliner. Elle pleura.
Son fils et son petit-fils portaient chacun une couronne du même royaume et par sa faute. On ne saura jamais si ses larmes étaient dues à une crise de conscience et aux remords, à l’amertume de savoir Charles couronné ou à la vision de ces réjouissances auxquelles elle n’était même pas conviée, elle la grand-mère du roitelet anglais qu’elle avait coiffé d’une couronne bien chancelante. Ainsi continua la vie d’Isabeau pendant encore six ans avant de mourir.
Le 13 octobre, ses serviteurs et familiers apportèrent sa dépouille jusqu’à la cathédrale Notre-Dame sur une litière que précédaient des huissiers du Parlement qui faisaient faire place aux membres de la Cour. Bien que la reine déchue n’eût laissé qu’une maigre somme à la fabrique de Notre-Dame, le clergé de la cathédrale fit en sorte que le service soit à peu près digne d’une souveraine prêtant même un sceptre, une couronne et autres ornements royaux pour la décoration du chœur. Louis de Luxembourg, Jacques du Châtelier, évêque de Paris, le seigneur de Scales et quelques autres assistèrent au service funèbre où le mépris que tout le monde affichait pour elle ne permettait pas la pompe habituelle d’un cortège.