Un accident l’ayant privé d’une carrière militaire et handicapé d’un pied-bot, Talleyrand se tourna vers l’Eglise. Grâce à sa naissance, il obtint l’évêché d’Autun. Nul besoin d’avoir la foi pour réaliser ses ambitions. Les conjonctures historiques qui se succédèrent de la Révolution jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, furent les plus beaux des tremplins pour ce monstre d’intelligence.
Député du clergé aux Etats généraux, grand artisan de la confiscation des biens de l’Eglise, il devint chef du clergé constitutionnel, puis retourna à l’état laïc dès janvier 1791. Diplomate à Londres, il y resta comme émigré jusqu’à ce qu’il en soit expulsé.
En 1796, après un séjour aux Etats-Unis, il obtint de Barras le portefeuille des Relations extérieures l’année suivante. Il se lia à Bonaparte et imposa l’expédition en Egypte. « Il faut faire une grande fortune » avait-il dit en prenant ses fonctions. Deux ans plus tard c’était chose faite. Après une interruption de quelques mois pour avoir été éclaboussé dans une série d’affaires de corruption, Talleyrand revint à son poste. Conseillant utilement Bonaparte, il le poussa à une politique d’apaisement à l’intérieur -négocia la paix de Lunéville (1801) et d’Amiens, etc. - qui inspira les Articles organiques pour compléter le Concordat.
Elevé au rang de grand chambellan à l’avènement de l’Empire, fait prince de Bénévent en 1806, il finit par échouer dans sa politique de conciliation et de recherche de paix avec l’Angleterre. Napoléon ne l’écoutant plus, négocia directement avec le Tsar de Russie et renvoya Talleyrand.
« De la merde dans un bas de soie… »
Très hostile à l’intervention en Espagne, convaincu que l’Empereur menait la France à la catastrophe, préférant se rapprocher de l'Autriche, il poussa le Tsar à ne pas céder aux propositions d’alliance de Napoléon.. Puis, rentré en France, il intrigua avec Fouché et Murat notamment, afin de préparer la succession de Napoléon. Conscient de la trahison, Napoléon lui signifia sa façon de penser: "Vous mériteriez que je vous brisasse comme un verre, j'en ai le pouvoir mais je vous méprise trop pour en prendre la peine. Pourquoi ne vous ai-je pas fait pendre aux grilles du Carrousel ? Mais il en est bien temps encore. Tenez, vous êtes de la merde dans un bas de soie !"
Talleyrand, réputé pour son esprit rétorqua aux témoins de l’altercation « Quel dommage, Messieurs, qu'un si grand homme soit si mal élevé ! »
Le lendemain, Talleyrand perdit sa fonction de grand chambellan, mais conserva sa place au Conseil. Dorénavant, il traita ouvertement avec la maison d'Autriche dont il devint l'espion, par l'intermédiaire de Metternich, ambassadeur autrichien à Paris, .
Chef du gouvernement provisoire en 1814, il fit proclamer la déchéance de l’Empereur et convainquit le Tsar de placer Louis XVIII sur le trône. Le roi lui confia les Affaires étrangères et l’envoya défendre les intérêts de la France au congrès de Vienne. Nommé président du Conseil le 9 juillet 1815, il dut démissionner le 23 septembre en raison de l’hostilité des ultras. Relégué à la Chambre des pairs, Louis-Philippe le nomma ambassadeur à Londres où il resta en poste jusqu’en 1834.
Fatigué, il finit par se retirer dans son château de Valençay tout en continuant à conseiller Louis-Philippe.
Son lit de mort fut son dernier terrain de négociation et pas la moindre. Pour éviter à sa famille le scandale d’un refus de sacrements et de sépulture chrétienne, il fallait revenir en religion. L’abbé Dupanloup fut chargé de recevoir sa rétractation que le moribond ne signa que le jour de son trépas !
Après des funérailles officielles, sa dépouille, embaumée à l’égyptienne, resta en l’église Notre-Dame-de-l’Assomption (Paris) en attendant la fin des travaux de son caveau au château de Valençay où il fut inhumé le 5 septembre 1838. Jusqu'en 1930, une vitre laissait voir son visage momifié.
Alors que les visiteurs du château de Valençay souhaitaient aussi voir la sépulture de Talleyrand, la chapelle et sa crypte restaient inaccessibles. Pour y remédier, on décida de travaux d’aménagement entre la crypte et la chapelle.
Le 22 mai 2010, le sarcophage de marbre noir de Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord était officiellement présenté à la vue du public dans la chapelle Notre-Dame. Placé sobrement sur un socle de pierre blanche, la mise en scène confère au lieu une grandeur qui aurait plu au "diable boîteux" de nouveau en pleine lumière.