C'était l'époque où il se montrait souvent fantaisiste, voire excentrique, capable de quatre cents coups et se passionnant pour les batailles romantiques, parfois un peu plus poète et solitaire que les autres. D’esprit républicain, il participa à diverses manifestations estudiantines le conduisant à un petit séjour en prison.
En 1836, après un voyage en Italie, Nerval s’éprit de l’actrice Jenny Colon qui devint Aurélia dans son œuvre. Peut-être sensible un moment à cet amour, Jenny en épousa un autre. Cette passion à la conclusion malheureuse eut des conséquences terribles pour Nerval, ébranlant sa raison et déterminant ce qu’il appela par la suite « l’épanchement du songe dans la vie réelle ».
Ce fut aussi l’époque où il perdit sa fortune héritée de son grand-père investie dans Le Monde dramatique qu’il avait fondé. Il collabora alors dans plusieurs journaux grâce à Gautier, Alphonse Karr et d’autres amis.
Jusque là, Nerval n’était qu’un agréable littérateur parisien. Mais, en février 1841, tout bascula avec sa première crise de folie et un séjour de plusieurs mois dans une maison de santé.
L’année suivante, il effectua un long voyage en Orient dont il livra le récit sous le titre Voyage en Orient en 1851.
1851. Maudite année à partir de laquelle ses crises mentales se reproduisirent à des intervalles de plus en plus rapprochés. Entre deux périodes d’internement ou pendant ces séjours, Nerval écrivait, couchant sur le papier ces chefs-d’œuvre : Sylvie, dont nous connaissons tous Fantaisie "(Il est un air pour qui je donnerai…"), les sonnets des Chimères dont El Desdichado ("Je suis le ténébreux,-le veuf - l’inconsolé…"), Promenades et Petits châteaux, etc. et Aurélia son œuvre testamentaire qu'il laissa inachevée.
A force de démarches et de sollicitations, Nerval sortit de la maison de santé du Dr Blanche. Son dernier hiver fut tragique. Démuni de ressources sûres, sans domicile fixe, sentant faiblir sa faculté d’écrire, il sombra dans le désespoir dont il croyait avoir triomphé en composant Aurélia.
Le 25 janvier 1855, dans le dénuement le plus total, il laissa un mot laconique chez sa tante : « Ne m’attends pas ce soir, car la nuit sera noire et blanche ». Le lendemain matin, à cinq heures, par un froid glacial, on le trouva pendu à la grille d’une boutique d’un serrurier à l’angle des rues de la Tuerie et de la Vieille- Lanterne, ruelles immondes et sinistres de Paris que firent disparaitre le théâtre Sarah Bernhardt et une annexe de la préfecture. Pour les inconditionnels, le milieu du rideau du théâtre Sarah Bernhardt (Théâtre de la Ville) est à la verticale de cet endroit.