A la même époque, sa relation incestueuse avec sa sœur, entamée vers 1455 et dont il eut plusieurs enfants, fit d’autant plus scandale qu’il l’avait épousée moyennant une fausse dispense papale... Traduit devant le Parlement pour inceste, meurtre et faux, il fut condamné, mais se déroba au châtiment par la fuite. Réfugié en Aragon, si le pape lui pardonna et leva l’excommunication celui-ci ne put convaincre Charles VII d’en faire autant.
Devenu roi, Louis XI, lui tendit la main comme il le fit avec d’autres grands féodaux dans le cadre d’une amnistie,. Il lui restitua ses domaines. C’était compter sans l’ingratitude du personnage.
Dès 1464, Jean V entrait dans la ligue du Bien public* et marchait sur Paris avec six mille hommes de cavalerie. Après l’échec de La Ligue, Jean s’allia aux Anglais.
En 1469, Louis XI, désabusé sur son compte, décida de mettre un terme aux agissements de ce méchant Armagnac. Il feignit de croire qu'un émissaire venu d’Angleterre s'était rendu à Lectoure, accusa Jean de haute trahison et envoya contre lui une armée menée par Antoine de Chabannes. En un mois, Jean V perdit toutes ses places. Il s'enfuit en Espagne, mais pour reparaître en 1471 et se faire nommer lieutenant général par Charles de France, frère rebelle de Louis XI. * Révolte des nobles contre l’accroissement des pouvoirs de Louis XI et menée par le futur Charles le Téméraire. Cette coalition, à laquelle de nombreux grands seigneurs avaient pris part, avait l’intention de placer sur le trône Charles de France, frère du roi.
La coupe étant plus que pleine, Louis XI mit l’Armagnac et le Rouergue sous séquestre et envoya son gendre, Pierre de Beaujeu, en prendre possession. Dans un sursaut, Jean V réussit à reprendre sa ville de Lectoure dans laquelle il se réfugia. Les troupes du roi mirent le siège devant la cité en janvier 1473. Celui-ci dura jusqu’au mois de mars où, à l’issue de négociations, les deux parties tombèrent d’accord : Jean V et les habitants auraient la vie sauve tandis que les hommes du roi pourraient pénétrer dans la ville et la forteresse. Mais une fois dans la place les soldats se déchainèrent : on massacra, pilla, incendia et démolit méthodiquement.
Jean V fut poignardé dans son lit en présence de sa femme, Jeanne de Foix. On accusa Jean Jouffroy, évêque d’Albi, d’avoir pris part à son assassinat. La dépouille du comte d’Armagnac fut livrée aux outrages de la soldatesque, traînée dans la rue principale avant d’être jetée.
► Isabelle d’Armagnac (v.1430 - 1476
Cathédrale Sainte-Austinde d’Auch (Gers) (disparue)
C'est dans ces pays lointains et isolés de quatre vallées des Hautes-Pyrénées, dans la petite ville de Castelnau-Magnoac, qu’Isabelle passa le reste de ses jours pieusement dans une quasi misère, empruntant du pain, engageant ses vêtements et livres de prières. Frappée de paralysie et impotente, la Dame des Quatre-Vallées devait se faire porter dans les bras de ses serviteurs. Elle mourut peut-être empoisonnée par le sénéchal de Toulouse qui, l’ayant escroquée, souhaitait sa mort prochaine pour éviter tout scandale.
Elle fut inhumée dans la chapelle du comté de la cathédrale romane d’Auch, aujourd’hui disparue, où reposaient d’autres membres de la famille d’Armagnacs. Peu après, en 1489, les travaux de la nouvelle cathédrale d’Auch commençaient sur son emplacement.
► Jeanne de Foix (ap.1454 – ap.1476 ?)
Château de Buzet-sur-Tarn (Haute-Garonne) ?
Restait Jeanne de Foix , fille de Gaston IV de Foix-Béarn et d’Eléonore Ière de Navarre, épousée en 1468/1469 après le scandale de l’inceste. Jeanne qui avait été témoin du meurtre de son mari. Son malheur ne s’arrêta pas là. Dépouillée de tous ses bijoux, bien qu’enceinte de presque sept mois, on l’incarcéra dans le château de Buzet-sur-Tarn devenue prison d’état pour la circonstance. Les temps n’étant pas à la pitié et Louis XI ne souhaitant jamais entendre parler d’un héritier cherchant à venger son père, donna des ordres. Jean Jouffroy fit ingurgiter à Jeanne un breuvage pour la faire avorter. Cela fonctionna. Louis XI n’avait plus à s’inquiéter. Selon les documents, elle mourut deux jours plus tard ou après 1476.
Bien des siècles plus tard, des fouilles pratiquées dans les ruines de l'ancien château incendié pendant la Révolution révélèrent un tombeau soigneusement fermé. Il renfermait les ossements du corps d'un tout petit enfant et le squelette d'une femme presque réduit en cendres. On pense qu’il s’agit de Jeanne.
Ainsi la lignée des comtes d’Armagnac s’achevait-elle dans une galerie de portraits de rejetons dégénérés balayés par des drames aussi sombres que pitoyables.