Parmi les affaires qui ont marqué les annales criminelles françaises, celle des sœurs Papin a une place de choix et un peu à part. Source d’inspiration pour de nombreux auteurs et de réflexion pour autant de psychiatres -notamment Lacan- adapté plusieurs fois au cinéma, ce tragique fait divers continue à fasciner par son caractère exceptionnel : deux têtes pour une même folie assassine.
Nées d’une mère, épouse infidèle et peu maternelle, et d’un père alcoolique ayant abusé de leur sœur aînée, témoins des violences conjugales, leur histoire prit racine dans la misère sociale qui s’agrémentait aussi d’un cousin aliéné et d’un oncle pendu…
Placées et déplacées au gré de leur mère tout au long de leur enfance et de leur adolescence dans des foyers ou chez des patrons, la mère encaissant leurs gages, Christine rentra au service des Lancelin, au Mans, en 1927 où la rejoignit Léa deux mois plus tard.
Durant six ans, elles furent regardées comme des domestiques modèles malgré la mine assombrie teintée d'impertinence qu’affectait dorénavant Christine à la moindre remarque faite par ses employeurs auxquels, par ailleurs, ni elle, ni Léa n’avaient, jusque là, rien à reprocher d’une façon générale.
Certes, leur rapport avec le monde extérieur était singulier. Leur blessure commune restée béante avait forgé une affection exclusive l’une envers l’autre où personne n’avait sa place, encore moins un homme qui aurait pu les séparer.
Excepté leurs sorties pour la messe dominicale, elles préféraient rester confinées ensemble dans leur chambre. Ne liant jamais connaissance avec qui que cela soit, leur comportement étrange était connu du voisinage. En revanche, tout le monde s’accorda par la suite sur leur travail sérieux et leur honnêteté. Malgré la singularité des deux sœurs, la vie entre elles et leurs patronnes, Mme Lancelin et sa fille, s’écoulait dans une apparente normalité jusqu’au …
2 février 1933.
Quel fut l’élément déclencheur de leur rage meurtrière relevant de la barbarie ? Début 1933, René Lancelin, président d'une mutuelle, fut inculpé pour avoir trempé dans le scandale financier du Comptoir d'Escompte qui avait ruiné des petits actionnaires. La tension était palpable dans toute la maison et Mme Lancelin les traita avec une rudesse inaccoutumée jusqu’à pincer Christine qui jura que la prochaine fois qu’on la toucherait ainsi, elle se défendrait…
Mme et Mlle Lancelin avaient rendez-vous avec M. Lancelin à l’extérieur. Après avoir vainement tenté de joindre par téléphone sa femme et sa fille et par deux fois trouvé la porte close de son domicile, René Lancelin se fit accompagner de la police qui découvrit l’innommable. Enuclées -un œil fut retrouvé sur une marche de l’escalier- frappées à coups de marteau et de couteau, ciselées « comme des lapins prêts à cuire », les cadavres de Mme et Mlle Ancelin gisaient sur le palier du premier étage.
Un acte d’aliéné dont avaient peut-être aussi été victimes Christine et Léa. Enfermées dans leur chambre, une fois la porte défoncée, on les trouva couchées dans le même lit, un marteau englué de sang à côté de la porte. Elles avouèrent rapidement, Christine invoquant un acte de défense.