Pendant des décennies, la mairie de Dijon servit un blanc-cassis à ses invités. En tant que maire, le breuvage lui fut tout simplement associé. En 1952, il concéda l'exclusivité du nom à la maison Lejay-Lagoute avant d’autoriser tous les autres liquoristes à utiliser son nom.
La petite commune d’Alise-Sainte-Reine peut s’enorgueillir du passage de deux grandes personnalités de l'histoire: Vercingétorix, puisque le site est reconnu comme ce lui de la bataille d’Alésia, et Félix Kir, le plus savoureux de ses enfants.
Personnalité haute en couleurs, le chanoine Kir, prêtre séculier, était connu pour sa bonhomie, sa jovialité et sa truculence verbale aux redoutables sens de la répartie lorsque l’histoire le porta sur la scène politique.
Très préoccupé de ses ouailles, reconnu pour son autorité morale, le 16 juin 1940, après le départ du maire de Dijon, il fut nommé membre de la délégation municipale de la ville et fit évader 5 000 prisonniers de guerre français du camp de Longvic. Deux fois arrêté puis libéré, son patriotisme lui attira l'hostilité des collaborateurs. Ayant quitté ses fonctions municipales, il fut victime d’un attentat en 1944. Blessé de plusieurs balles, fuyant la Gestapo, il revint à Dijon le 11 septembre 1944, jour de la Libération de la ville dont il fut élu maire en 1945 jusqu’à son décès.
En 1946, son courage lui avait valu d’être nommé chevalier de la Légion d'honneur et cité à l'ordre de l'armée.
La voie d’autres fonctions publiques s’ouvrirent alors devant lui. Grâce à une volonté à toute épreuve et un sens aigu de la stratégie électorale et de la communication, il accumula les mandats, soutenu par les notables et un large électorat séduit par un élu pétri de culture populaire. Conseiller général de Côte-d'Or, inscrit au CNI (Centre national des indépendants et paysans), député à l'Assemblée nationale de 1945 à 1967, il en fut le doyen de 1953 à 1967. Esprit frondeur, en quelques semaines, il s’était affirmé comme l'une des plus hautes figures de l'Assemblée où mêlant les interventions intempestives à la subtilité, il sut gagner la sympathie de ses collègues tout en défendant ses positions. Mieux que tout autre, il savait déstabiliser un orateur d'une pique ou le tourner en ridicule d'un bon mot. Une grande figure parlementaire était née. Conservateur et non-conformiste, il fut l'élu le plus « original » et atypique des IVe et Ve Républiques.
Rêvant d’une « fédération mondiale des villes jumelées » qui amènerait la paix totale, par deux fois il se rendit à Moscou (1959 et 1964) pour y rencontrer son « ami » Nikita Khrouchtchev . Ces visites firent de lui le plus célèbre « anticommuniste pro-bolchevik de l'Histoire de France ».
Fidèle à son Église et au port de la livrée sainte, on le voyait monter en chaire et marcher à la tête des processions la soutane barrée de décorations et de l'écharpe tricolore…
Personnalité complexe, aux facettes contradictoires et parfois déroutantes, sa soutane trop courte et ses godillots rapiécés et ses fantaisies tricotèrent sa légende de son vivant qui lui apporta une renommée internationale.
Seule la mort eut le dernier mot sur son bon vivant hors du commun peu avant "mai 68" nous privant de ses commentaires sur les évènements.
En avril 1968, de retour des obsèques d’un de ses amis à Lausanne,il tomba dans son escalier. Hospitalisé, dans le coma, il mourut le 25 avril. Le lundi 29, après un week-end où une foule innombrable ne cessa de défiler devant son catafalque dressé dans la salle du conseil municipal, un convoi de sept fourgons mortuaires accompagnèrent sa dépouille du palais ducal à la cathédrale Saint-Bénigne. On n'avait pas vu telle foule depuis la Libération.
Dans le froid et le crachin, dans le silence que ne troublait, au loin, que le glas du clocher de la cathédrale, la ville entière était en deuil, les vitrines baissées, les banderoles enlevées, les fêtes annulées, les drapeaux en berne.
Félix Kir fut inhumé dans le cimetière d'Alise-Sainte-Reine, sa commune natale, parmi ces paysans et gens simples qu'il aimait tant.Difficile de faire tombe plus ordinaire.