En 1932, son chef-d’œuvre, Voyage au bout de la nuit, fit l’effet d’une bombe d’enthousiasme à droite comme à gauche.Mort à crédit (1936) était encore plus désespéré, plus burlesque.
Anarchiste de tempérament, ses charges anticolonialistes, antimilitaristes et un vibrant hommage à Emile Zola avaient largement contribué à le faire passer pour un écrivain de gauche. Mea Culpa (1936), vint désillusionner ceux qui le croyaient ainsi et révéler un choix politique nettement orienté à droite.
A partir de 1937, il délaissa le roman pour s’adonner à la rédaction de pamphlets responsables de ses futurs malheurs : Bagatelles pour un massacre (1937), L’Ecole des cadavres (1938) et Les Beaux draps (1941) dans lesquels, en des termes violents, si ce n’est orduriers, il se mit à pourfendre ses confrères en littérature et les juifs qu’il semble tenir responsables de tous les malheurs du monde. L’outrance verbale était telle que même les antisémites les plus acharnés se désolidarisèrent de leur auteur.
Encore aujourd’hui, nombreux sont ceux qui tentent de décortiquer le personnage pour comprendre les dérives de l’écrivain vers cette descente antisémite virulente qui, par ailleurs, resta toujours littéraire et verbale et avec laquelle il passait pêle-mêle à la moulinette le régime soviétique, l'actualité, la guerre, le système éducatif, les Etats-Unis, mais avec haine, rage, et sans aucune mesure.
Après avoir réendossé sa blouse de médecin en 1940, il chercha à rejoindre le gouvernement de Vichy en exil à Sigmaringen (1944) afin de tenter de gagner le Danemark. Suspect aux yeux des Allemands qui virent en lui un dangereux collaborateur, emprisonné trois mois à Sigmaringen, à sa sortie, il traversa l’Allemagne en feu avec sa compagne, la danseuse Lucette Almanzor, l’acteur Le Vigan et… son chat. Au terme d’aventures rocambolesques, il arriva à Copenhague en mars 1945 pour être aussitôt jeté en prison dont il sortit en février 1947 pour raison de santé.
Il vivait au Danemark pratiquement dénué de tout lorsqu’il apprit que, cible de la haine tenace de littérateurs, les tribunaux français l’avaient condamné à l’indignité nationale et à la confiscation de ses biens. Amnistié l’année suivante, il rentra en France et résida à Meudon vivant surtout de son travail de médecin.
Il se remit à écrire, mais ces nouveaux ouvrages passèrent inaperçus auprès du public, excepté Nord (1960) qui lui valut un regain de notoriété. On commençait à s’émouvoir sur son sort quand il mourut alors qu’il rédigeait son dernier roman, Rigodon, publié à titre posthume.
Même s’il n’a jamais renié ses écrits, à l'exception de Mea Culpa, Céline s’opposa toujours à la réédition de ses pamphlets, volonté que respectèrent ses ayant-droits.
Céline aurait aimé être inhumé auprès de ses parents au cimetière du Père-Lachaise. Mais jugé sans doute comme résident un peu encombrant, on lui préféra le cimetière de Meudon.
Trois jours après sa mort, sous une pluie fine, en présence, entres autres, de Marcel Aymé et de Claude Gallimard, le cercueil de Céline passa directement de son domicile à la tombe : pas d’église, pas de discours; juste quelques fleurs et c’était fini. Comme une invitation au voyage, un voilier gravé.
Sur sa pierre tombale, on remarque un nom et une date incomplète. : 19..
C’est que Lucette Almanzor (Lucie Georgette Almansor), née en 1912, n’avait pas prévu d’être plus que centenaire. Elle décéda en 2019 à l'âge vénérable de 107 ans...