Les Médicis avaient été chassés du pouvoir après que Pierre II de Médicis eût ouvert les portes de la Toscane au roi de France. Revenus au pouvoir en 1512, ils firent arrêter et torturer Machiavel soupçonné d’avoir comploter contre eux. Assigné à résidence dans sa propriété de la province florentine, il y commença son Discours sur la première décade de Tite-Live, où, parlant de l’Antiquité, il dressait en fait une critique de la situation politique italienne de son époque.
L’année suivante, il en interrompit la rédaction pour attaquer son œuvre majeure : Le Prince. C’est pour avoir confondu morale et politique que l’on a fait à Machiavel une réputation d’auteur cynique. A tort.
Dédiée à Laurent II de Médicis, quand il y transcrit ses expériences d’homme d’état au travers d’une prose noble et vigoureuse, il voulait, avant tout, laisser un manuel de gouvernement : le but d’un prince est de garder le pouvoir : « c’est mettre vos sujets hors d’état de vous nuire et même d’y penser ».
Sans nourrir aucune illusion sur les vertus des hommes, il cherchait à donner à la République de Florence la force politique qui lui manquait à une période où, paradoxalement, elle dominait le monde des arts et de l’économie
Outre chercher à retrouver sa place perdue, ce que Machiavel mettait à jour, était tout simplement le mécanisme du pouvoir. En conseillant à Laurent II de Médicis d’exercer une politique efficace, sans se soucier de morale quant aux moyens d’y parvenir, en exprimant l’intelligence même si elle couvre perfidie ou scélératesse tortueuse, il ignorait qu’il allait rentrer dans le Panthéon des noms qui effraient. Depuis, quiconque applique ce précepte est devenu…machiavélique.
L’histoire n’avait pas attendu Niccolo pour engendrer ce type de personnages. Du moins sait-on depuis Machiavel comment les qualifier, tel César Borgia, mort avant la rédaction du Prince mais souvent cité en exemple. Circulant sous le manteau Le Prince ne fut publié qu’en 1532, cinq ans après la disparition de son auteur.
Revenu à Florence en 1514, Machiavel écrivit une comédie, La Mandragore (1518), propos vengeur contre les Médicis. À la demande du cardinal Jules de Médicis, futur pape Clément VII, il commença L'Histoire de Florence (1520) achevée en 1526. En 1527, à l’avènement de la république de Florence, on lui reprocha sa compromission avec les Médicis et il connut une nouvelle disgrâce avant de mourir peu après. Il en avait fini de ses souffrances.
Nicolas Machiavel fut inhumé en la basilique Santa Croce où il resta dans sa tombe sans honneurs ni distinctions. Ce n’est qu’en 1787 qu’un monument fut élevé par souscription en sa mémoire auprès de tombeaux d’autres génies. De façon ingénieuse, la symbolique le représente contrebalançant le poids d’une épée par celui d’un rouleau de papier et de livres…
L’inscription précise : "Tanto nomini nullum par elogium" (Aucun éloge n'est digne d'un si grand nom). Nicolaus Machiavelli